Dessins et caricatures : le détournement des élections

Ca approche ! Il reste peu de temps avant que les Français ne choisissent leur prochain président, et l’instant a son importance. Alors que les équipes médiatiques virevoltent autour des deux candidats restants, les caricaturistes politiques s’en donnent à cœur joie dans leurs dessins, prêts à accentuer le moindre dérapage.

Un art dont les racines profondes nous ramènent à la Révolution française, et qui continue de jouer un rôle démesuré dans la politique moderne.

 

Un genre unique

La BD arrive régulièrement en tête des best-sellers français. Et les hebdomadaires satiriques, notamment Charlie Hebdo et Le canard enchaîné, sont considérées comme de véritables institutions nationales. L’année dernière, lorsque le gouvernement Macron a accordé aux adolescents 300 euros à dépenser pour la culture… Beaucoup se sont tournés vers les bandes dessinées.

Le monde de la politique est très artificiel,

explique Mathieu Sapin, dessinateur à l’origine de plusieurs bandes dessinées mettant en scène Macron et son prédécesseur, François Hollande. « C’est très codifié, ce qui le rend profondément fascinant du point de vue des dessins. »

Pour Sapin, le président français est un personnage étonnant, souvent décrit par les caricaturistes comme une figure aux dents écartées, aux épaules carrées. Un peu enfantine. Il reste également distant, accordant beaucoup moins d’accès que Hollande qui courtisait autant les dessinateurs que les journalistes.

Macron est plus distant avec les médias. Mais il est venu me voir une fois pour me dire combien il aimait les dessins animés. C’est un vrai séducteur.

 

La campagne revisitée

Chaque caricaturiste s’est vu attribuer un ou deux candidats à suivre pour le déroulement de la campagne. Pendant huit mois, tous ont sillonné le pays, assisté à des rassemblements et des réunions. Et même participé à des voyages à l’étranger.

L’équipe a travaillé de manière indépendante, se réunissant occasionnellement à l’atelier de Sapin pour faire le point sur un grand tableau effaçable. « Nous racontons tous des événements différents. Mais tout est rendu de la même manière, » souligne Louison, qui a suivi Anne Hidalgo lors de balades à vélo dans la ville. Pour elle, les petits détails sont les plus convaincants.

Des gaffes politiques, le spectacle d’un assistant aidant frénétiquement un politicien avec sa cravate avant un discours, des querelles dans les coulisses… Ainsi se fabriquent les bandes dessinées. 

Au-delà d’être utilisées comme outil de révolte, les caricatures politiques ont longtemps été utilisées comme arme idéologique. Les communistes et les groupes catholiques radicalement conservateurs en France ont utilisé les caricatures pour influencer la jeunesse du pays après la Seconde Guerre mondiale. Lors de son discours d’ouverture il y a deux ans au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, Macron a d’ailleurs annoncé le projet d’ouverture d’une Maison européenne de la presse et du dessin satirique dans la capitale, d’ici 2025.

 

Pourtant, il veut protéger son image

constate Sapin.

Sa rivale, Marine Le Pen, est souvent dessinée comme une figure suffisante, les traits pointus et les yeux plissés. L’air parfaitement déterminée.

Navarro, son caricaturiste, a également remarqué certains de ses tics plus subtils, comme le réajustement d’une mèche de cheveux particulière. Il les a travaillés dans ses dessins pour un effet humoristique mais aussi un certain pathétique. De passage à Marseille, Navarro a d’ailleurs été surpris par la vue de Le Pen posant pour un selfie avec un groupe d’hommes musulmans. Un moment qu’il a capturé pour le livre.

Son image a quelque peu changé. Ils semblaient indifférents à sa réputation.

Constat similaire du côté de Zemmour, dont la campagne n’a initialement pas été prise au sérieux et qui n’a commencé à être représenté que très tardivement.

A l’automne, il est devenu un candidat sérieux, et nous avons dû nous adapter.

souligne Sapin.

Avec ses manières excentriques et ses sourcils en chenille, Zemmour est comparé avec Gargamel dans les dessins. Mais Navarro a remarqué autre chose. « J’ai été surpris par le nombre de jeunes parmi ses supporters. Dans les journaux, il apparaît souvent comme une caricature. Mais ce que nous faisons ici, c’est montrer le contexte des événements, pas seulement caricaturer chaque candidat. »

Parallèlement aux rebondissements de l’élection, le livre relate l’évolution de l’humeur nationale. La pandémie domine le récit dans les premières pages. Et puis, l’émergence de candidats surprises. L’échec des premiers espoirs, l’invasion russe de l’Ukraine en février.

« Nous représentons comment les choses se sont déroulées, en temps réel, » explique encore Sapin.

Quant aux 12 dernières pages, elles sont encore vierges en attendant le résultat final.

Tout peut arriver, c’est ce qui rend le projet si excitant !

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