Hercule aura-t-il raison de EDF ? Comprendre les enjeux du projet Hercule en un rien de temps

Hercule aura-t-il raison de EDF ? Comprendre les enjeux du projet Hercule en un rien de temps

Le PDG de EDF, Jean-Bernard Lévy, vient de présenter le projet Hercule devant les sénateurs. Le projet vise à scinder l’entreprise historique en 3 entités autonomes. A peine affectée par l’ouverture à la concurrence, en 2007, du marché de l’énergie, l’entreprise pourrait bien cette fois y laisser des plumes. Commission européenne, élus, gouvernement, direction, syndicats, le projet Hercule a au moins réussi à précipiter autour de lui les arrière-pensées et les ambitions, plus ou moins avouées, des uns et des autres. Où en est-on exactement d’un projet lancé en 2018 ? Quels sont ses buts ? A quoi faut-il s’attendre pour les mois à venir ? Le tour de la question en 4 minutes. 

EDF : une entreprise lourdement endettée

C’est l’origine du projet Hercule. EDF veut se réorganiser, c’est ça le projet Hercule, pour diminuer le poids de son endettement. Pourquoi faire ? Après tout, cet endettement, pas loin de 42 milliards d’euros, voire plus, pour un chiffre d’affaires de 72 milliards, ça n’a pas trop gêné l’enteprise jusqu’à présent. Sauf, qu’il lui faut penser à réhabiliter son parc de 58 centrales nucléaires, investir dans les énergies renouvelables et s’adapter au nouveau contexte créé par l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence

Or, pas question de jouer avec sa tarification. La fixation de ses prix dépend, en effet, de la Commission de Régulation de l’Energie, la CRE, et du mécanisme négocié avec la Commission européenne, au moment de l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, l’Arenh. C’est ce dernier mécanisme que le projet Hercule vise à contourner. 

3 entités nouvelles à la place de EDF

La transformation de EDF en trois entités nouvelles autonomes, et notamment leur degré d’autonomie, c’est ce qui est actuellement discuté entre EDF, l’Etat et la Commission européenne. Donc à la place de EDF, ou aurait, si le projet Hercule aboutit, EDF Bleu, EDF Vert et EDF Azur. Evidemment, pour l’instant, ce ne sont que des noms de code. 

  • A EDF Bleu, les centrales nucléaires et le transport de l’énergie,
  • à EDF Vert,  les activités commerciales, la distribution et les énergies renouvelables,
  • et, à EDF Azur, les barrages hydro-électriques. 
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Là-dedans, EDF Vert intéresse beaucoup le secteur privé. En effet, il regroupe les activités les plus rentables et le projet envisage d’ailleurs son entrée en bourse. Peut-être aussi, les barrages. Le fait est que la commission verrait d’un bon oeil que la concession des barrages soit désormais accessible à d’autres acteurs que EDF.

En contrepartie de cette « ouverture », le mécanisme de l’Arenh qui oblige EDF à vendre à prix coutant 25 % de sa production à ses concurrents pourrait être revu dans un sens qui lui serait plus favorable.

A noter que c’est grâce à ce mécanisme et à une gestion largement digitalisée de leurs services, que les fournisseurs alternatifs parviennent à offrir des tarifs en principe moins élevés que EDF.

Autrement dit, pour répondre à l’obligation de libre concurrence posée par la Commission européenne, EDF subventionne en quelque sorte ses concurrents, dont Direct Energie, une filiale de Total, et Engie, qui vient de s’illustrer récemment dans la bataille opposant Véolia à Suez,  indépendamment des investissements colossaux qu’elle a du faire au fil des ans et dont elle supporte seule le poids. Le tout dans un contexte de dérégulation des prix.

Ce que veulent les différentes parties en présence

Deux partis s’affrontent. D’un côté, la Commission européenne et l’Etat français, de l’autre, EDF, ses syndicats et de nombreuses personnalités politiques. Les deux premiers, pas pour les mêmes raisons et de même, pour les seconds.

En bref,

  • la Commission européenne veut éviter les subventions croisées. En clair, qu’une trop grande proximité entre les entités permettent à l’une, profitable, de prendre en charge une partie des coûts d’une autre, structurellement déficitaire. Et plus globalement, ou plus prosaïquement, selon Jean-Bernard Lévy : 

La Commission n’aime pas beaucoup EDF

  • De son côté, l’Etat français voudrait éviter de mettre la main à la poche pour soutenir l’entreprise. Déficit budgétaire oblige. Et, la crise sanitaire n’a rien arrangé. 
  • Quant à la direction de l’entreprise, elle manoeuvre pour que les trois entités aient de toute façon une stratégie commune. En effet, pour son PDG : 

EDF doit rester un groupe intégré, avec une même stratégie.

On comprend mieux, dès lors, pourquoi la Commission n’aime pas beaucoup EDF.

  • Et pour les syndicats, qui en sont à leur cinquième mouvement de grève depuis le lancement du projet, ce dernier n’est rien d’autre qu’une manière de privatiser les profits et de socialiser les pertes.  
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Quelles sont les perpectives du projet Hercule ?

Bon, partant de là, quelles sont les perspectives du projet. Va-t-il même pouvoir aller jusqu’au bout. Pour que les trois entités puissent voir le jour, il faut qu’un projet de loi soit déposer devant le Parlement et que celui-ci l’adopte. Or, il reste bien peu de temps pour le faire et le sort des projets de loi est, parfois, plus incertain qu’on ne pense, comme de récents exemples de saisine du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’Etat l’ont montré. 

De sorte que c’est avec prudence Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a déclaré pour résumer l’affaire : 

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de décrire un schéma précis de ce que sera cette réforme et ses impacts sur l’organisation interne du groupe EDF, pour une raison très simple : les négociations avec la Commission européenne sont toujours en cours. 

Négociations à suivre, donc. En attendant, les tarifs réglementés ont augmenté de 1,6 % au 1er février, après une hausse de 1,54 % en août dernier. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc Duteil Journaliste NewsFrance.org
Journaliste, Pigiste | Plus de publications

Né en 1965 à Toulouse, Bernard Duteil est un journaliste reconnu et respecté pour sa rigueur, son analyse pénétrante et son engagement indéfectible pour la vérité. Fils d'une enseignante et d'un avocat, il a grandi dans une atmosphère où l'importance de l'éducation, de l'éthique et de la justice étaient profondément enracinées.

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Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences humaines, il est entré à l'Université de Toulouse Jean Jaurès où il a obtenu une licence en communication et journalisme. A la fin de ses études, Bernard s'est lancé dans un voyage autour du monde qui a duré un an, nourrissant sa curiosité insatiable et forgeant sa perspective globale.

Bernard a fait ses débuts journalistiques au "Nouvel Observateur", où il s'est rapidement distingué par son style d'écriture incisif et sa capacité à explorer en profondeur des sujets complexes. Par la suite, il a travaillé pour "Le Monde", où il a couvert des sujets allant de la politique internationale à la culture, avant de rejoindre "France Info" puis se dédier à l'écriture de pige pour plusieurs rédactions dont NewsFrance.org

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