On avait laissé les deux protagonistes en lutte pour savoir ce qu’il allait advenir de la participation de 29,9 % d’Engie dans Suez. Le conseil d’administration a tranché le 5 octobre dernier. Veolia a fait un chèque de 3,4 milliards d’euros et a mis la main sur les 29,9 % d’Engie dans Suez.
Bon pour Engie qui peut se redéployer, moins bon pour Véolia si l’affaire en reste là. Un actionnaire minoritaire, même gros, reste toujours minoritaire et peut toujours se demander s’il n’aurait pas eu le même poids sur les décisions avec moins d’argent investi. D’où l’OPA de Véolia sur Suez.
Manœuvre de diversion
C’est que Véolia, le numéro un mondial dans son secteur, en a eu assez des manœuvres de diversion de Suez, le numéro 2 mondial dans le même secteur, que l’ancienne Compagnie Générale des Eaux a décidé de croquer.
Exit donc les demandes de supplément d’information jetés dans les pattes du mastodonte par l’intersyndicale de Suez. Véolia considère qu’elle en sait désormais assez, qu’elle a bien répondu aux obligations que lui a imposé l’institution judiciaire et qu’il est temps d’en finir avec toute cette histoire.
Lancement de l’OPA de Véolia sur Suez
Par conséquent, dimanche 7 février, le géant a décidé de passer la vitesse supérieure et a fait savoir qu’il était prêt à racheter les 70,1 % restant du capital de Suez au prix de 18 euros par action, le même que celui payé pour acquérir les actions détenues par Engie. De ce fait, Véolia est prêt à débourser 8 milliards d’euros en plus des 3,4 déjà déboursés pour finaliser ses emplettes.
Sauf que Suez ne l’entend pas du tout de cette oreille. Mais, alors pas du tout. Dans la foulée du lancement de l’OPA, Suez a saisi à nouveau les tribunaux pour la stopper. Pour l’instant, ils lui donnent raison.
Et, ils ont ordonné à Véolia de suspendre son opération. Mais, Véolia ne veut rien savoir. Pourquoi ? Parce que l’ordonnance du tribunal lui a été signifiée à 7h28 alors que la déclaration du lancement de l’OPA auprès de l’AMF a été faite à 7h. Rendez-vous le 18 février pour en savoir plus.
Pour Antoine Frérot, il n’y a plus rien à faire. Le coup est parti. Tribunal ou pas. Oui, mais ce n’est pas tout à fait du goût du 4ème partenaire. Celui qui n’avait pas réussi à se faire respecter , ou pas voulu, au moment de l’achat des parts d’Engie. On veut parler de l’Etat et de son représentant le Ministre de l’Economie et des Finances. Et, il le fait savoir « urbi et orbi » :
Une opération de cette ampleur ne peut réussir que si elle est amicale (…) Le capitalisme français ne peut être la guerre de tous contre tous.
Pas sûr qu’il soit mieux respecté cette fois. Même s’il a saisi l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour essayer de la rendre plus amicale.
Suez ne s’en laisse pas compter
Quoi qu’il en soit, à l’instar d’autres affaires, comme celle opposant Lagardère à Amber et Vivendi, le feuilleton de l’OPA de Véolia sur Suez est loin d’être terminé. Comme si de rien n’était, Suez vient d’ailleurs de renforcer ses positions sur le marché chinois. Bertrand Camus vient, ainsi, de porter à 100 % la participation de Suez dans ses deux partenaires chinois, Suez NWS et Suyu. La compagnie y a consacré près de 700 millions d’euros.
Après des années de désinvestissements, Suez poursuit donc sa réallocation d’actifs à l’international. Conformément à son plan « Shaping Suez 2030 ».
De ce point de vue, la situation de Véolia peut interroger et on comprend l’intérêt que représente pour le numéro 1 la possibilité d’absorber le numéro 2. Cela lui ferait gagner du temps. Car, sur un marché mondial du traitement des déchets et de l’eau, estimé à 1400 milliards d’euros, la Chine représente un gros morceau.
Seulement voilà, Suez n’a pas attendu Véolia pour s’y faire une place et comprendre que les conditions du marché national n’étaient décidément plus aussi profitables.

Né en 1965 à Toulouse, Bernard Duteil est un journaliste reconnu et respecté pour sa rigueur, son analyse pénétrante et son engagement indéfectible pour la vérité. Fils d'une enseignante et d'un avocat, il a grandi dans une atmosphère où l'importance de l'éducation, de l'éthique et de la justice étaient profondément enracinées.
Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences humaines, il est entré à l'Université de Toulouse Jean Jaurès où il a obtenu une licence en communication et journalisme. A la fin de ses études, Bernard s'est lancé dans un voyage autour du monde qui a duré un an, nourrissant sa curiosité insatiable et forgeant sa perspective globale.
Bernard a fait ses débuts journalistiques au "Nouvel Observateur", où il s'est rapidement distingué par son style d'écriture incisif et sa capacité à explorer en profondeur des sujets complexes. Par la suite, il a travaillé pour "Le Monde", où il a couvert des sujets allant de la politique internationale à la culture, avant de rejoindre "France Info" puis se dédier à l'écriture de pige pour plusieurs rédactions dont NewsFrance.org