Et voilà. Dans quelques semaines, Angela Merkel démissionnera de son poste de chancelière. Un poste qu’elle occupe depuis 2005. Le point sur l’économie allemande.
Quatre mandats semés d’embuches
Guide de la principale économie de l’UE, Angela Merkel a vu défiler crises et événements. La Grande crise financière de2008, puis celles de la dette souveraine de la zone euro entre 2010 et 2015. La Catastrophe de Fukushima (2011), le Traité d’adhésion de la république de Crimée à la Russie. La crise des migrants (2015), le Brexit (2016-2019). Pour terminer avec la pandémie de coronavirus.
Quel périple.
Voilà qui a sans doute influencé ses décisions politiques et économiques en Allemagne et en Europe.

Angela Merkel a effectué quatre mandats consécutifs en tant que Chancelière d’Allemagne, soit plus de quinze ans. Otto von Bismarck (> 22 ans) et son mentor Helmut Kohl (> 16 ans) n’ont pas eu l’honneur de dépasser sa longévité dans ce rôle.
Au cours de cette période, elle aura ainsi l’occasion d’échanger avec quatre présidents américains, quatre présidents français, cinq premiers ministres britanniques, huit premiers ministres italiens. Entre autres !
Et sur le front économique, il est généralement reconnu que son action a joué un rôle dans la stabilisation des affaires européennes lors de divers épisodes de tension, comme la crise italienne en 2011 et la crise grecque en 2015. Cependant, cette stabilité a souvent été payée par certains retards dans la prise de décision. Les actions nécessaires allant à l’encontre de l’orthodoxie monétaire et fiscale, ça qui a eu le don de froisser l’opinion publique allemande.
En revanche, durant la pandémie, la Chancelière d’Allemagne a appelé à une réponse budgétaire rapide, résultant en un plan de relance de l’UE. Son retrait de la vie politique laisse sans nul doute un vide en Allemagne et sur la scène internationale.
Politique
À quelques semaines des élections législatives du 26 septembre, l’issue semble très incertaine. Les trois partis principaux (CDU/CSU, SPD, Grüne) sont quasiment au coude à coude dans les derniers sondages. Les tendances récentes affichent toutefois quelques divergences, avec le SPD en hausse, la CDU/CSU en baisse, et les Verts quasiment stables. Le FDP libéral, aux alentours de 12%, profite de la baisse des intentions de vote pour la CDU.
Le parti corona-sceptique AfD, troisième groupe du Bundestag en termes de sièges, s’est stabilisé à plus de 10 %. La gauche, elle, dépasse le seuil de 5% requis pour obtenir des sièges. Sur la base des derniers sondages, la composition du premier Parlement allemand serait la suivante.

L’alliance CDU/CSU, malgré une baisse du nombre de sièges, s’est maintenue comme le plus grand parti au Bundestag.
Depuis les élections précédentes, en 2017, L’Europe a suscité de nombreux débats en Allemagne. L’AfD ne semble pas avoir élargi son audience eurosceptique pour autant. Comme dans d’autres démocraties occidentales, il semble que la fragmentation politique soit en augmentation.
Malgré tout, la pandémie peut encore affecter la participation et les résultats. Tout cela marque un long chemin vers la formation de la prochaine coalition. On parle déjà de compromis sur la répartition des postes ministériels et l’élaboration du programme du gouvernement.
L’Allemagne devrait donc continuer d’être gouvernée par le centre, avec un engagement fort dans le projet européen. Mais pour la première fois depuis quinze ans, le centre de gravité pourrait se déplacer du centre-droit vers le centre-gauche.
Budget
Au niveau macro, l’une des principales implications des élections sera la politique budgétaire. Aucun des trois grands partis ne propose de protester contre les règles budgétaires, dont certaines sont inscrites dans la constitution. En termes de dépenses, il n’y a aucune raison de s’écarter sensiblement des tendances récentes.
Ici, il convient plutôt de corriger le stéréotype allemand. De 2011 à 2019, les dépenses publiques (hors intérêts) ont augmenté de 3,6% par an. Bien plus que dans le reste de la zone euro (1,7%) ! En particulier, les dépenses d’investissement public ont augmenté rapidement, à 4,0 % par an, faisant passer le ratio de 1,9 % du PIB en 2005 au début de l’ère Merkel à 2,8 % aujourd’hui (moyenne européenne à 3,4 %). La nécessité d’adapter l’économie allemande au nouveau paysage environnemental justifie de nouveaux investissements, selon la Commission. Il y a un large accord sur ce point.
Les différences entre les partis sont plus importantes en matière de fiscalité et de réglementation. Les conservateurs ne prévoient pas de changements majeurs. Le SPD propose un impôt sur la fortune forfaitaire de 1%, une réforme des droits de succession et une fiscalité des couples. Mais aussi la création d’un impôt financier, comme alternative à l’imposition des familles aux revenus les plus modestes.
Les Verts, en accord avec le SPD sur ce point, entendent augmenter le salaire minimum à 12 € de l’heure contre 9,5 € actuellement. La mise en œuvre de ces propositions dépendra du type de gouvernement de coalition formé et des compromis entre ses participants.
Économie
La prochaine coalition retrouvera une économie qui ne s’est pas complètement remise de la crise du coronavirus. Au début de la pandémie, l’Allemagne a pu mieux limiter les dégâts que ses voisins en adoptant des mesures de confinement moins strictes et grâce à son exposition plus limitée aux secteurs les plus touchés tels que le tourisme.
À l’époque, la chancelière avait été félicitée pour sa gestion de la première vague. Mais les performances de l’économie allemande ne se sont pas maintenue.
De nouvelles restrictions sur les vagues successives sont arrivées début de 2021, retardant la reprise. Au deuxième trimestre 2021, le PIB réel de l’Allemagne était inférieur de 3,3 points à son niveau d’avant la pandémie. Le même écart qu’en France et presque le même qu’en Italie (3,8 points).
D’autre part, alors que la demande mondiale de biens devait bénéficier à une puissance industrielle comme l’Allemagne, la production industrielle est actuellement plus faible en Allemagne que dans le reste de l’Europe.
Une faiblesse essentiellement due à la surexposition du pays à l’industrie automobile. Et la cause en est évidente. La pénurie mondiale des composants électroniques. A noter que la baisse de l’activité automobile en Allemagne n’a pas commencé avec la pandémie.

Voilà qui n’implique pas de dérégulation de l’économie allemande. Mais l’avantage comparatif en termes de coûts salariaux dont le pays bénéficiait lors de la création de l’euro est pratiquement en train de s’effondrer. À long terme, cela pourrait réduire la dynamique de l’industrie et déplacer la structure de production davantage vers le marché intérieur et moins vers les exportations.
A court terme, la reprise restera contrainte par la faiblesse du secteur automobile, mais ce désavantage sera compensé par les autres secteurs de services. Malgré un certain plafonnement, les derniers indices prévoient une accélération de la croissance du PIB, liée à la poursuite de la reprise de la consommation de services.
Le niveau d’activité pré-pandémique devrait être dépassé d’ici la fin 2021. La croissance devrait être plus forte en 2022 qu’en 2021, avec environ 3,5 % et 5 % respectivement.
En termes d’inflation, celle-ci devrait encore augmenter au second semestre 2021, avec un pic pouvant atteindre ou dépasser 4 %, avant un rebond en janvier 2022. À ce stade toutefois, le boom de l’inflation semble technique et temporaire. Le risque à la hausse pourrait provenir du prix élevé des logements (+ 9,4 % sur un an au premier trimestre 2021), même si l’indice des loyers ne montre actuellement aucun signe d’accélération marquée.
On ne note en revanche pas de pression salariale.
En bref, malgré des perturbations majeures dans le secteur automobile, l’économie allemande continue de se redresser à un bon rythme. Comme ailleurs en Europe, la tendance à la baisse est liée à la pandémie (variant Delta). L’assouplissement prévu des contraintes d’approvisionnement en 2022 soutient une acceptation optimiste des perspectives économiques.

Né en 1965 à Toulouse, Bernard Duteil est un journaliste reconnu et respecté pour sa rigueur, son analyse pénétrante et son engagement indéfectible pour la vérité. Fils d'une enseignante et d'un avocat, il a grandi dans une atmosphère où l'importance de l'éducation, de l'éthique et de la justice étaient profondément enracinées.
Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences humaines, il est entré à l'Université de Toulouse Jean Jaurès où il a obtenu une licence en communication et journalisme. A la fin de ses études, Bernard s'est lancé dans un voyage autour du monde qui a duré un an, nourrissant sa curiosité insatiable et forgeant sa perspective globale.
Bernard a fait ses débuts journalistiques au "Nouvel Observateur", où il s'est rapidement distingué par son style d'écriture incisif et sa capacité à explorer en profondeur des sujets complexes. Par la suite, il a travaillé pour "Le Monde", où il a couvert des sujets allant de la politique internationale à la culture, avant de rejoindre "France Info" puis se dédier à l'écriture de pige pour plusieurs rédactions dont NewsFrance.org