Dans un ancien Mc Donald’s du nord de Marseille, comme tous les autres Mc Do de la planète, on y trouve les mêmes chaises et tables que n’importe quel fast-food. Les caisses enregistreuses sont toujours là. Ainsi que les enseignes lumineuses.
Des dessins à la place des publicités pour Mc Donald’s
Mais le restaurant Mc Donald’s est dans le noir. Et à l’intérieur, il n’y a ni clients ni employés en uniforme. La friteuse pour les pommes de terre et la grille pour les hamburgers sont emballées dans du plastique transparent. À l’extérieur, le bâtiment d’un étage est peint avec des taches de bleu, violet et rose.
À la place des publicités pour menus spéciaux, des dessins et des textes manuscrits sont désormais accrochés aux murs.
On retrouve des phrases de l’écrivain Albert Camus. Elles résument ainsi la pression, depuis trois ans, dans ce quartier nord. Les quartiers nord de Marseille touchés par le chômage, les discriminations et les flambées de violence.
Ce sont des quartiers constitués de barre d’immeubles bâtis dans les années 1950 et 1960, à flanc de colline. Conçus pour accueillir les immigrés maghrébins et africains. Ces quartiers sont dégradés aujourd’hui, le trafic de drogue y est roi.
Mc Donald’s devient une banque alimentaire
Juste au milieu se trouve cet ancien Mc Donald’s, aujourd’hui banque alimentaire. Et bientôt, s’il n’y a pas de difficultés, un fast-food à but non lucratif. C’est-à-dire un Fast food social, comme disent ses promoteurs.
La mairie, de gauche, a racheté le terrain et les locaux pour environ 600 000 euros avec l’intention de les louer à l’avenir à l’établissement « social et solidaire ».
Regardez autour de vous, ce ne sont que des pâtés de maisons.
Lance Kamel Guemari, 40 ans, qui travaille dans ce Mc Donald’s depuis l’âge de 16 ans.
Nous donnons de la couleur, nous avons des rêves.
Le restaurant est un symbole. Installé dans les quartiers nord depuis 1992, le restaurant devient un poumon économique. Il a apporté du travail.
C’est dans cette zone avec peu de commerces et traversé par des autoroutes et des voies ferrées Mc Do était le centre du quartier. Ainsi, l’annonce de sa vente, au printemps 2019 est tombée comme une bombe.
De ce fait, il a déclenché une mobilisation inhabituelle. Les voisins se sont battus aux côtés des syndicats et des partis de gauche pour préserver Mc Donald’s.

Kamel Guemari, leader de la bataille
Kamel Guemari est l‘un des personnages principaux de la bataille. Il a défrayé la chronique dans la presse nationale lorsqu’il s’est enfermé dans les locaux. Puis, en direct du réseau social Facebook, il s’est aspergé d’essence et a menacé de se faire exploser. Il ne l’a pas fait, mais l’action l’a rendu célèbre.
L’été 2020, il est condamné à quatre mois de liberté surveillée pour avoir agressé un autre directeur de franchise Mc Donald’s à Marseille.
Mc Donald’s a bel et bien fermé en 2019. Il devient alors une banque alimentaire.
Nous étions le seul restaurant au monde qui était ouvert pendant la pandémie, 22 sur 24.
Se félicite Guemari.
La population ici n’avait pas peur de mourir de la covid, elle avait peur de la faim.
Rachat du Mc Donald’s par la mairie
Un nouveau chapitre s’est ouvert cet été, lorsque le nouveau maire, le socialiste Benoît Payan, a annoncé le rachat de Mc Donald’s par la mairie.
Nous espérons que ce projet sera exemplaire.
Explique Laurent Lhardit, adjoint au maire de Marseille et chargé de l’économie et de l’emploi. Il précise :
Plus que du soutien et des subventions. Les habitants des quartiers nord sont tout à fait capables de développer un projet. Voici le pari.
Aujourd’hui, à l’intérieur du vieux Mc Donald’s, il n’y a pas de clients, ni d’odeur de friture, mais des bénévoles. Une douzaine d’hommes et une femme préparent des sacs de nourriture.
Dans quelques mois, si tout se passe comme prévu, il y aura un nouveau Fast food qui emploiera beaucoup de monde. Il s’appellera « l’Après-M« .
Cela signifie « l’Après Mc Donald’s ». Mais, on peut voir autres choses dans le « M ». Comme le détaille Sylvain, bénévole pour le projet. Comme : misère, ou encore mondialisation pour d’autres.

Né en 1965 à Toulouse, Bernard Duteil est un journaliste reconnu et respecté pour sa rigueur, son analyse pénétrante et son engagement indéfectible pour la vérité. Fils d'une enseignante et d'un avocat, il a grandi dans une atmosphère où l'importance de l'éducation, de l'éthique et de la justice étaient profondément enracinées.
Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences humaines, il est entré à l'Université de Toulouse Jean Jaurès où il a obtenu une licence en communication et journalisme. A la fin de ses études, Bernard s'est lancé dans un voyage autour du monde qui a duré un an, nourrissant sa curiosité insatiable et forgeant sa perspective globale.
Bernard a fait ses débuts journalistiques au "Nouvel Observateur", où il s'est rapidement distingué par son style d'écriture incisif et sa capacité à explorer en profondeur des sujets complexes. Par la suite, il a travaillé pour "Le Monde", où il a couvert des sujets allant de la politique internationale à la culture, avant de rejoindre "France Info" puis se dédier à l'écriture de pige pour plusieurs rédactions dont NewsFrance.org