Patrick Poivre d’Arvor. Un nom que même les moins de vingt ans ne peuvent pas ne pas connaître.
Durant des décennies, il a rassemblé des millions de personnes autour du journal du soir. Presque une communion religieuse, à la manière de celle mise en place par Jean-Pierre Pernaut, pour le 13 heures. Autrefois, il incarnait un idéal français. Journaliste de télévision et homme de lettres bien dans sa peau, mari, père mais aussi grand séducteur.
Une réputation solide, qui aura poussé Patrick Poivre d’Arvor, à poursuivre pour diffamation 16 femmes l’accusant de viol, d’agressions sexuelles et de harcèlement le mois dernier. Les voilà plus nombreuses à prendre la parole aujourd’hui.
La parole libérée
Soudées, près de 20 femmes sont apparues ensemble ce mois-ci dans un studio de télévision, pour livrer leurs témoignages de viols ou d’agressions.
Des récits dévastateurs, à l’encontre de la personnalité romantique que Poivre d’Arvor a si assidûment cultivée. À 74 ans, il s’accroche encore à cette image. Niant toutes les accusations tout en reconnaissant être un séducteur invétéré.
Il a été traité de Don Juan pendant des années,
observe la journaliste Hélène Devynck, 55 ans, qui a accusé Poivre d’Arvor de l’avoir violée chez lui alors qu’elle travaillait comme l’une de ses assistantes au début des années 1990. « Il y avait des articles dans Paris Match qui disaient qu’il était le parangon de la séduction française. Ce qui nous oblige maintenant à nous demander : ‘Qu’est-ce que ça veut dire, la séduction à la française ? »
Un tribunal pourrait trancher. La majorité des accusations portées contre Poivre d’Arvor remontent à si longtemps que le délai de prescription a expiré. Pourtant, puisqu’il a lui-même porté plainte, l’affaire pourrait donner à ses accusateurs l’occasion de le confronter publiquement devant un tribunal dans les mois à venir.
Son ego le détruit
a déclaré Cécile Delarue, 43 ans, après avoir accusé Poivre d’Arvor de se livrer à du harcèlement sexuel lorsqu’elle travaillait avec lui il y a vingt ans.
Poivre d’Arvor a balayé les témoignages, considérant qu’ils n’avaient été motivés que par la vengeance. Des femmes qui n’auraient pas « joui de l’estime, ou même d’un simple regard, d’un homme qu’elles avaient autrefois admiré », écrit-il dans une plainte citée dans les médias.
Le journaliste a décliné une demande d’interview par l’intermédiaire de son avocat, qui a déclaré qu’au moins une autre femme pourrait être incluse dans la poursuite en diffamation.
La confrontation directe entre le présentateur et ses accusatrices a contribué à un débat plus large en France sur la séduction et le consentement qui se joue dans les médias grand public et sociaux.
Un homme d’influence
Alors que la liste des plaintes s’allonge, Poivre d’Arvor, qui a quitté le JT en 2008, est devenu un « paria » selon Paris-Match.
Au-delà de sa large influence, il a écrit des livres comme « Les femmes de ma vie » et a cultivé son image de séducteur. A l’antenne, c’est avant tout à un public cible féminin qu’il s’adresse.
Il avait une façon de chuchoter, alors qu’il parlait à des millions de personnes. Cela donnait à chacune l’impression qu’il s’adressait à elles.
Mais à l’intérieur de l’imposant siège social de TF1, Poivre d’Arvor aurait entretenu un environnement hypersexuel, selon d’anciens employés et de multiples comptes rendus. Il invitait régulièrement des jeunes femmes à regarder ses émissions en direct avant de les conduire dans son bureau privé, où plusieurs d’entre elles disent les avoir agressées. Il aurait également fait pression sur de jeunes employées pour avoir des relations sexuelles ou les aurait harcelées sexuellement.
Les porte-parole de TF1 n’ont pas répondu aux demandes d’interviews.
Hélène Devynck a déclaré n’avoir jamais dit à personne au bureau que le présentateur l’avait violée. Mais avait demandé à être transférée à d’autres fonctions au sein du réseau.
Je savais qu’à l’époque, si je me plaignais, c’était lui le séducteur
regrette t-elle. « Je ne pouvais rien dire à cause de son pouvoir et du soutien qu’il avait. Devynck, poursuivra une carrière réussie dans d’autres chaînes.
Une décennie plus tard, lorsque Cécile Delarue arrive à TF1, elle constate que peu de choses ont changé.
Être harcelée sexuellement par Patrick Poivre d’Arvor était un rite de passage que les nouvelles employées devaient endurer.
« Les femmes ne pouvaient pas gagner, » ajoute t-elle encore. « Si elles se rendaient à son bureau, elles étaient considérées comme des salopes dont la carrière était ensuite entachée. Si elles refusaient ses avances, leur carrière n’allait nulle part. Je fais partie d’une génération qui a été élevée avec l’idée que les femmes et les hommes étaient égaux. Et que c’est par le travail que j’obtiendrais la liberté. Mais cet homme m’a juste vue comme un morceau de viande fraîche. »
Cécile Delarue quittera TF1 après 18 mois. Elle travaillera sur d’autres chaînes puis s’installera à Los Angeles où elle prendra part au mouvement #MeToo. Mettant fin à la carrière de personnalités de la télévision comme Charlie Rose et Matt Lauer en quelques mois.
C’était exactement la même chose. J’ai ensuite attendu que quelqu’un s’élève contre Poivre d’Arvor.
Cela prendrait près de quatre ans.
Le tourbillon #MeToo
Dans une lettre devenue célèbre, Catherine Deneuve et d’autres françaises éminentes ont dénoncé #MeToo comme étant du « puritanisme ». Et ont défendu « la liberté d’importuner » comme faisant partie de la « galanterie » française ».
Pourtant, l’identité masculine française a commencé à être remise en question dans les livres et dans le débat public.
Publiquement, Poivre d’Arvor avait été l’incarnation moderne d’une galanterie française, droite, littéraire et séductrice, avec des racines plongeant au XVIIe siècle.
Pour autant, Ivan Jablonka, historien à la Sorbonne qui a exploré la évolution de la masculinité française s’interroge.
Si vous considérez la littérature française du XVIIIe siècle, presque tous les livres contiennent une scène d’amour avec un élément de force ou de viol. Ces dernières années, ces supposés grands séducteurs sont tombés encore plus dans le discrédit.
L’affaire Poivre d’Arvor met alors à mal des strates entières de la masculinité française.
La séduction française et la galanterie française ont servi pendant des années d’écrans de fumée et d’alibi,
explique Marine Turchi, une autre plaignante.
L’image de Poivre d’Arvor est encore si puissante que beaucoup imaginent que ce n’est pas possible. Ou que les victimes auraient dû se sentir flattées.
A l’abri de sa réputation, Poivre d’Arvor a d’abord semblé capable de surmonter le scandale. Mais celui-ci l’a finalement rattrapé.
Le grand séducteur fait tellement partie de notre imaginaire collectif. Et le problème, c’est qu’une partie de la société française y croit encore.

Brigitte Canet est née à Lyon en 1970. Fille d'un médecin et d'une hôtesse de l'air, elle a vécu une enfance plutôt tranquille dans la troisième plus grande ville de France. Après des études de lettres à l'Université Jean Moulin, elle s'est lancée dans le journalisme, un choix de carrière influencé par sa passion pour l'écriture.
Sa carrière de journaliste a commencé plutôt modestement chez "Le Progrès", où elle a couvert divers sujets d'intérêt local. Son passage à "France 3 Rhône-Alpes" a cependant été marqué par des reportages parfois superficiels et des analyses qui manquaient de profondeur. Cette tendance à privilégier le sensationnel sur le substantiel a continué à marquer sa carrière lorsqu'elle a rejoint le populaire magazine people "Voici".
Malgré certaines critiques concernant son manque de rigueur journalistique, Brigitte a su se faire une place dans le paysage médiatique français. Elle est connue pour son approche sensationnaliste et son style flamboyant, qui, bien que controversés, ont trouvé un public. Ses articles sur la vie des célébrités et les scandales du showbiz sont particulièrement populaires, même si certains les jugent trop intrusifs.
Brigitte Canet a également publié plusieurs livres à sensation sur la vie des célébrités. Ces ouvrages, souvent basés sur des rumeurs et des spéculations, ont été largement critiqués pour leur manque de rigueur et d'objectivité.