Il semble peu probable que Harry Styles sache qui était Antonio Gades. Pourtant, en avril dernier, les chemins de la superstar de la pop et du danseur le plus combatif de la seconde moitié du 20e siècle se sont croisés pendant quelques secondes. Dans la vidéo de Comme c’était avec plus de 405 millions de vues sur YouTube seulement Styles porte un pantalon taille haute nommé Gades en hommage à celui porté par le fondateur du Ballet national espagnol.
Son auteur, l’Asturien Arturo Obegero (Tapia de Casariego, Asturies, 29 ans), raconte qu’une image de la danseuse faisait partie du panneau d’inspiration de sa collection de fin d’études à l’école Central St. Martins de Londres. Il y avait également des images de la photographe allemande Viviane Sassen. Et, planant au-dessus de tout cela, un culte de la silhouette, de la géométrie et de la maîtrise de Cristóbal Balenciaga, un autre garçon de la côte cantabrique qui, comme lui, a tenté de faire son chemin dans la mode parisienne.
« Je passe toute la journée à travailler, mais je suis très heureux, car nous avons lancé la marque pendant le premier enfermement et en deux ans seulement, je commence déjà à en voir les fruits », dit-il. Digne représentant de sa génération, Obegero utilise l’identité pour construire ses collections.

Son début s’intitulait Palmyrale nom de sa grand-mère. Et la collection qu’il a présentée en juin de l’année dernière à Paris, Chant à la sirène est un hommage à sa ville natale et au carrefour écologique auquel elle se trouve : « À Tapia, qui est un très petit et beau village, on essaie de construire une mine d’or qui va malheureusement tout détruire. C’est pourquoi j’ai voulu que la collection soit une lettre d’amour à la nature et aux traditions de mon village.
Paris est le foyer naturel d’une proposition comme la sienne, qui fuit les streetwear Les designs de la marque sont dominants et embrassent une exploration de la féminité, de la délicatesse et des codes de la couture. Obegero est venu de Londres à la capitale française pour travailler chez Lanvin avant de lancer son label éponyme. Il crée des motifs non sexués qu’il adapte ensuite en fonction des différences morphologiques entre les hommes et les femmes. Et pour l’un comme pour l’autre, il propose des pièces de tailleur géométriques avec des coupes dramatiques et des jeux d’ombres, des décolletés, des transparences, des ouvertures et une certaine sobriété chromatique qui est sa marque de fabrique, et qui coexiste avec des volumes de plus en plus exubérants. « Quatre-vingt-quinze pour cent de nos clients sont des hommes, mais la plupart des pièces sur mesure qu’ils nous commandent sont destinées aux femmes« , dit-elle.

Le présent de cet Asturien qui rêvait d’être océanographe et acteur, et qui a découvert la mode grâce à Internet et à un catalogue Yves Saint Laurent, consiste pour l’instant à prolonger l’élan que lui ont donné ses collaborations médiatiques. Et cela, dit-il, demande beaucoup de travail. « Quand je retourne dans mon village, les gens pensent que je suis en train de boire avec Harry Styles à Paris, mais la vérité est que je suis ici, avec la petite machine, non-stop. Mais c’est ce que je préfère : y aller petit à petit ».