Danseuse noire d’origine américaine et militante des droits civiques, Joséphine Baker est devenue l’une des grandes stars du music-hall français ! Elle reposera désormais au Panthéon, le tombeau des héros français, selon un proche conseiller d’ Emmanuel Macron.
Une république des possibles
Joséphine Baker, devenue citoyenne française en 1937, est décédée à Paris en 1975. Elle sera désormais la première femme noire et l’une des rares personnalités nées à l’étranger à y être enterrée. Le Panthéon contient les restes de certains des personnages les plus célèbres de France, dont Victor Hugo, Marie Curie et Jean-Jacques Rousseau.
La décision de transférer la dépouille de Joséphine Baker, enterrée à Monaco, intervient après une pétition appelant à son déménagement, lancée par l’écrivain Laurent Kupferman. Pétition qui aura retenu l’attention d’Emmanuel Macron, après le recueil de plus de 40 000 signatures ces deux dernières années.
Joséphine Baker incarne la République des possibles. Comment une femme pauvre, issue d’un milieu discriminatoire, peut-elle réussir son destin et devenir une star mondiale ?
Voilà qui était possible en France, à une époque où il n’était pas question de l’envisager aux États-Unis.
Et l’accueil de Joséphine Baker au Panthéon est très symbolique, alors que les questions sociales et de genre font se rassembler le pays tout entier autour d’un nouveau front politique.
Un combat de tous les instants
La nouvelle a été rapportée pour la première fois par Le journal parisien. Les funérailles auront lieu le 30 novembre.
Joséphine Baker, née Freda Joséphine McDonald en 1906 à St. Louis, commence sa carrière de danseuse à New York au début des années 192. Elle s’installe ensuite en France, où elle fait rapidement sensation. Un déménagement impulsé manifestement par la discrimination dont elle était victime aux États-Unis.
Je ne supportais pas l’Amérique. J’ai été l’une des premières américaines de couleur à s’installer à Paris.
Tout comme d’autres artistes noirs américains (dont les écrivains Richard Wright et James Baldwin), Joséphine Baker déclarera avoir trouvé en France une liberté qui, selon elle, lui était refusée aux États-Unis.
À Paris, Joséphine Baker devient rapidement célèbre, jusqu’à devenir une icône incontournable des Folies Bergères. Un coup de foudre immédiat pour le public, porté par son sens de l’humour, ses danses effrénées et ses chansons emblématiques, telles que « J’ai deux amours. »
Pour autant, une partie de sa carrière artistique se construira autour de danses stéréotypées et érotiques, comme la fameuse ceinture de bananes. Des danses aux accents racistes, qui pousseront certains à la dénoncer pour avoir alimenté ces caricatures.
Mais selon Pap Ndiaye, historien spécialisé dans les Black studies, Joséphine Baker a fait un usage spécifique des stéréotypes dans ses actions. Les détruisant autant qu’elle les exagérait.
C’est ce monde colonial français imaginaire qu’elle va capturer. Et avec lequel elle va jouer. Joséphine Baker n’est pas dupe.
De danseuse dans ses jeunes années, Baker devient plus tard défenseuse passionnée des droits civils aux États-Unis. Elle écrit sur l’égalité raciale, refuse d’opérer dans des centres de ségrégation et, en 1963, se tient aux côtés de Martin Luther King jr. lors de son discours inoubliable.
Plus de femmes au Panthéon ?
Ces dernières années, les autorités françaises ont répondu aux appels croissants réclamant davantage de femmes au Panthéon. Il est vrai que la grande majorité des personnes enterrées y sont encore des hommes.
En 2014, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qui ont combattu dans la Résistance française face aux nazis ont été enterrées au Panthéon. Suivies de Simone Veil en 2018, ministre de la Santé ayant promu la loi sur l’avortement.
L’enterrement de Joséphine Baker au Panthéon pourrait dès lors correspondre à un avantage politique pour Emmanuel Macron alors que les débats sur la discrimination raciale se multiplient en France, à moins d’un an des élections présidentielles de 2022.
Une réhabilitation qui donnera permettra dans tous les cas de faire vivre Joséphine Baker en dehors des arts. En effet, pendant la Seconde Guerre mondiale, elle servit également comme chauffeur d’ambulance et agent de renseignement, ce qui lui valut sa médaille de la légion d’honneur. Et dans les années 50, elle sauva une douzaine d’orphelins de diverses nationalités, races et religions, avec lesquels elle vécu dans son château du du sud-ouest de la France.
Il était temps que le grand public ne découvre ses multiples facettes !