A quelques jours du premier tour des élections, Emmanuel Macron s’est prêté au jeu du débat public. Il s’est avancé ce week-end dans une vaste arène plongée dans l’obscurité, éclairée seulement de quelques projecteurs et bâtons lumineux. Devant une foule de 30 000 supporters.
Une apparition forcément très chorégraphiée pour son tout premier rassemblement de campagne. Mais Macron était venu tirer la sonnette d’alarme.
Rien n’est joué ?
Ne pensez pas que tout est décidé. Que tout va bien se passer,
a-t-il lancé à la foule, reconnaissant tardivement que le pouvoir ne lui est pas nécessairement acquis.
Marine Le Pen, candidate pour la troisième fois à l’élection présidentielle, a en effet bondi au cours des deux dernières semaines. Sa focalisation sur le coût de la vie a trouvé un écho auprès des millions de Français qui luttent pour joindre les deux bouts, après une augmentation de plus de 35 % du prix de l’essence au cours de l’année écoulée.
5 points séparent désormais les deux candidats dans les estimations du premier tour. 26,5% pour Emmanuel Macron contre 21,5% pour Marine Le Pen, soit presque le double de la part des voix d’Éric Zemmour, en déclin avec 11 %. Les deux candidats devraient d’ores et déjà se retrouver au second tour, le 24 avril.
Plus inquiétant pour Macron, les sondage suggèrent qu’il ne devancerait Le Pen que de 53,5 % face à 46,5 % au second tour. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2017, Macron avait rassemblé 66,1% des voix.
C’est une illusion que cette élection soit gagnée pour Macron,
a déclaré Nicolas Tenzer, professeur en sciences politiques à Sciences Po. « Avec un taux d’abstention élevé et le ressentiment envers le président, il pourrait y avoir une vraie surprise. L’idée que Le Pen gagne n’est pas impossible. »
Sécurité, dépenses et identité nationale
Des propos également confirmés par Édouard Philippe.
Tout ceci paraissait pourtant impossible il y a un mois. Après deux tentatives infructueuses, peu donnaient encore sa chance à Marine Le Pen. Zemmour était parvenu à l’éclipser du spectre politique avec ses prises de position choc.
Et cependant, voici que la campagne de Zemmour s’enlise tandis que celle de Le Pen récolte les fruits de sa cure de jouvence.
Peut-être Zemmour a t-il finalement rendu service à Marine Le Pen. En devant le candidat d’extrême-droite, sans doute a t-il aidé la candidate du Rassemblement national à gagner en légitimité et à s’inscrire dans le courant politique français.
Macron de son côté, critiqué pour son refus de débattre avec d’autres candidats et sa focalisation sur des sujets globaux comme la guerre et la paix en Europe, a chuté de plus de deux points dans les sondages, la semaine dernière. Une caricature en première page du quotidien Le Monde montrait récemment Macron. Téléphone portable à la main. Se détournant de la foule lors d’un rassemblement. « Vladimir, je termine ça et je te rappelle ».
Macron : Des choix controversés
Il faut dire que Macron ne s’est guère entouré de personnalités politiques convaincantes, capables de mener la campagne présidentielle en son absence. Son parti politique centriste, La République en Marche, n’a pas gagné de terrain dans la politique régionale.
Et le large recours à des sociétés de conseil, dont McKinsey, impliquant des dépenses de plus de 1,1 milliard de dollars, a également conduit à une vague de critiques. Ancien banquier, Macron a souvent été attaqué comme « le président des riches ». Dans un pays aux sentiments profondément ambivalents à propos de la richesse et du capitalisme.
Et désormais, une grande partie de la gauche se sent trahie par sa politique. Qu’il s’agisse de l’environnement, de l’économie ou de la place de l’islam dans la société française. Citant des investissements dans l’éducation, promettant d’augmenter les pensions minimales et d’accorder une prime non imposable aux salariés cet été… Macron, dans son récent rassemblement, a souhaité se rapprocher enfin de ceux dont les salaires disparaissent en « essence, factures, loyers ».
Un petit débat de rattrapage, alors que Macron a longtemps pensé que son image d’homme d’État pacificateur suffirait à lui assurer un second mandat. Vincent Martigny, professeur de science politique à l’université de Nice, estime justement que ce choix de rester chef de l’Etat jusqu’au bout l’a empêché de devenir un vrai candidat.