L’écologie progresse en France, mais pas le parti Les Verts

Yannick Jadot, candidat du parti Les Verts aux élections présidentielles d’avril, a traversé une petite foule en liesse jusqu’à un podium surmonté de banderoles. Une reprise de What a Wonderful World résonne dans la salle. Le candidat hoche la tête en rythme.

L’événement, qui s’est récemment déroulé sur la place centrale ensoleillée de Montpellier, avait tous les signes extérieurs d’une campagne dynamique et enthousiaste. « L’environnementalisme est une question de plaisir! » scande un orateur.

Mais, à moins de 30 jours du premier tour des élections présidentielles françaises, la campagne des Verts n’a jusqu’à présent pas suscité beaucoup d’enthousiasme dans l’opinion. Durant des semaines, Jadot s’est retrouvé coincé à 5% dans les sondages. Soit environ un tiers du score des trois principaux prétendants de droite. Et un sixième du soutien au président Emmanuel Macron.

 

Un chemin difficile

Récemment interviewé, Jadot a déclaré que les Français n’étaient pas encore investis dans la campagne électorale. D’autres questions plus dramatiques comme la pandémie et la guerre en Ukraine accaparant une grande partie de leur attention. Il s’est toutefois montré confiant, en affirmant que les électeurs se concentreraient bientôt sur les questions environnementales.

Mais jusqu’à présent, ce sont surtout les questions de sécurité, d’immigration et d’identité nationale qui ont été replacées au centre du débat. En comparaison, les questions climatiques ont été largement ignorées, avec seulement 2,5 % de couverture médiatique de l’élection au cours des quatre dernières semaines.

Le problème, selon les analystes, c’est que le parti Les Verts n’est pas parvenu à apporter de nouvelles idées. Et à créer une plateforme claire et cohérente, malgré les efforts du parti pour être considéré comme une force gouvernementale crédible, capable de traiter des questions comme la diplomatie et la défense. C’est déjà le cas en Allemagne par exemple, où les Verts font désormais partie d’une coalition gouvernementale tripartite.

Pour l’instant, la politique environnementale réussit à affoler les esprits et à les faire bâiller d’ennui,

regrette Bruno Latour, anthropologue et philosophe français. Les partis écologistes n’ont pour l’heure pas réussi à proposer des récits inspirants, véhiculant l’espoir d’un monde meilleur.

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Espérant secouer cette image négative, Jadot s’est récemment lancé dans une tournée en France qui l’amènera dans une quinzaine de villes début avril. Tous les arrêts de campagne ont été conçus pour créer des liens avec les électeurs.

En ligne de mire, la nécessité d’agir pour le climat et la promesse à terme d’un « nouveau type d’enthousiasme. »

Agir pour le climat, c’est innover économiquement. Bien manger grâce à une agriculture durable et à petite échelle. En gros, il s’agit de reprendre le contrôle de sa vie.

 

De nouvelles propositions

A Montpellier, où quelque 500 personnes s’étaient rassemblées, le discours de Jadot s’est empli de propositions concrètes. Un vaste plan de financement pour l’isolation des maisons afin de réduire de moitié la consommation d’énergie. L’interdiction de l’utilisation des pesticides dangereux. La création d’un nouvel impôt sur la fortune reflétant l’impact environnemental de certains investissements.

Sur le fond, ce sont des propositions très pertinentes,

admet Daphnée Destevian, 50 ans, chef de projet à l’institut des énergies renouvelables offshore.

Mais en ce qui concerne l’approche du candidat, Daphnée reste ferme. « Il crie trop », déplore t-elle. « Je le trouve un peu agressif. »

Debout sur un podium qui ressemblait à un ring de boxe, Jadot a adopté un ton combatif, fustigeant le gouvernement pour avoir signé des accords de libre-échange. Attaquant le géant TotalEnergies. Et comparant les mesures pro-nucléaires de Macron aux politiques gouvernementales d’extrême droite ou autoritaires.

Jérémie Peltier, expert à l’institut de recherche Jean-Jaurès, estime que ce ton pourrait être préjudiciable au parti Les Verts. « Quand tu écoutes Yannick Jadot, tu as l’impression que l’on te gronde constamment. » Un ton culpabilisant, que beaucoup trouvent contre-productif.

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Tous sont pourtant conscients de la nécessité de véhiculer plus d’optimisme. A l’image de la positivité qui émanait des manifestations des jeunes pour le climat en 2019. Pour José Bové, la bataille sera longue et imposera de prouver que l’environnementalisme « est un projet joyeux, où les gens se sentent bien. »

Un défi qui s’avère particulièrement aigu sur le front économique. Les Verts luttant pour concilier lutte contre le changement climatique et lutte contre la précarité économique. Jadot obtient de mauvais résultats auprès des électeurs de la classe ouvrière, qui craignent l’impact de la transition vers les énergies propres sur leurs moyens de subsistance.

 

Vers une transition douce

En retrait de la foule, Bruno Cécillon, partisan de longue date des Verts, a reconnu que les gens étaient inquiets car « ils ne pourront plus vivre aussi tranquillement qu’avant avec la transition écologique. Prendre leur voiture, allumer le chauffage, mettre la climatisation sans hésitation. »

Daniel Boy, politologue à l’université Science-Po à Paris, s’inquiète en revanche de la crédibilité du parti sur des questions comme la sécurité ou les relations internationales. « Peut-on imaginer un écologiste parler à Poutine ? » interroge t-il.

Boy nuance cependant ses propos en prenant pour exemple les Verts en Allemagne, désormais considérés comme un parti politique plus compétent et pragmatique. Capable de forger des accords de coalition avec les forces centristes. Et d’entrer dans le débat sur des questions non environnementales. Annalena Baerbock, candidate des Verts allemands aux élections nationales de l’année dernière, est aujourd’hui ministre des Affaires étrangères du pays.

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« Je veux gouverner ce pays. Je veux être responsable », affirme Jabot.

Mais à Montpellier, ses supporters semblaient déjà plus dubitatifs. Bruno Cécillon prévoit toutefois de voter pour Jadot. Non pas dans l’espoir de le faire élire, mais pour faire peser cette pensée écologique.

Une société ne change pas comme ça du jour au lendemain. Ça prend du temps.

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