Non pas qu’il y ait eu de vrai suspense, mais le score est tombé. Emmanuel Macron remporte un second mandat à la présidence, triomphant de Marine Le Pen ce dimanche soir.
Les projections à l’issue du scrutin indiquaient la victoire avec 58,5 % des voix, contre 41,5 % pour la candidate d’extrême-droite. Une victoire beaucoup plus serrée qu’en 2017, où la marge était de 66,1% à 33,9%. Mais plus large qu’il n’y paraissait probablement il y a deux semaines.
Un moment critique pour l’Europe
S’adressant à une foule massée sur le Champ de Mars, devant une Tour Eiffel scintillante, Macron s’est réjouit de l’imminence d’une « France plus indépendante et une Europe plus forte. »
Notre pays est criblé de tant de doutes, de tant de divisions. Nous devrons être forts. Mais personne ne sera laissé au bord de la route.
Le Pen de son côté a concédé sa défaite lors de cette troisième participation à la présidentielle, tout en critiquant amèrement les « méthodes brutales et violentes » de Macron. Elle a promis de continuer à se battre pour obtenir un grand nombre de représentants aux élections législatives de juin.
Les Français ont manifesté ce soir leur désir d’un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron.
Un résultat qui, selon Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, « reflète la mobilisation du peuple français pour le maintien de ses valeurs et contre une vision étroite de la France. »
Une réelection rare
Depuis de nombreuses décennies, les Français n’aiment généralement pas leurs présidents. Aucun n’avait réussi à se faire réélire depuis 2002, et encore moins avec une marge importante. La victoire inhabituelle de Macron, parti pour cinq années supplémentaires au pouvoir, est le reflet de sa gestion de la crise de Covid-19, sa relance de l’économie et son agilité politique à occuper tout le centre du spectre politique.
Olaf Scholz, le chancelier allemand, a déclaré que la victoire de Macron était « un vote de confiance en l’Europe. » Boris Johnson, Premier ministre britannique, a quant à lui félicité le dirigeant français et a qualifié la France de « l’un de [leurs] alliés les plus proches et les plus importants. »
Scholz et deux autres dirigeants européens avaient pris la décision inhabituelle de préciser l’importance d’un vote contre Le Pen. Une lettre avait été rédigée, traduisant l’anxiété des capitales européennes et de Washington juste avant le vote.
C’est le choix entre un candidat démocrate, qui croit que la France est plus forte dans une Union européenne puissante et autonome. Et un candidat d’extrême droite, qui se range ouvertement du côté de ceux qui attaquent notre liberté et notre démocratie.
La deuxième victoire de Macron reste toutefois différente de la première. Il y a cinq ans, il était un prodige de 39 ans qui déboulait sur la scène politique française avec la promesse d’enterrer les clivages gauche-droite stériles. Et de construire une société plus juste, égalitaire, ouverte et dynamique. Il avait alors organisé une grande fête dans la cour d’honneur du Louvre pour marquer l’aube d’une nouvelle ère politique en France.
Dimanche soir, compte tenu de la guerre en Europe, Macron a demandé la sobriété à ses partisans. Accompagnée de « L’Ode à la joie » de Beethoven, il a marché sur le Champ de Mars en tenant la main de Brigitte. Des enfants entouraient le couple, le tout exprimant la simplicité et l’humilité.
« Nous avons évité une certaine forme de violence. Je suis soulagé », a déclaré Eric Maus, 64 ans. « Mais j’ai l’impression d’offrir à ma fille un monde incertain, où l’extrême droite obtient des scores si élevés. »
Une majorité à nuancer
Durant son premier mandat, Macron a réussi à stimuler la croissance, à réduire le chômage et à inculquer une culture technologique de démarrage. Il a cependant échoué dans la lutte contre les inégalités croissantes et la colère grandissante parmi les personnes en difficulté. Dans les zones rurales notamment. Les divisions sociétales se sont accentuées avec la stagnation des revenus. L’augmentation des prix et le déplacement des usines à l’étranger.
Pourtant, une grande partie des 7,7 millions d’électeurs qui avaient soutenu Jean-Luc Mélenchon au premier tour n’a voté qu’à contrecœur pour Macron. C’est le cas d’Assina Channa, musulmane d’origine algérienne, qui a voté dans la banlieue de Saint-Denis. « Rien ne va changer mais je n’avais pas le choix. »
Macron a d’ailleurs reconnu que beaucoup avaient voté non pour lui, mais pour former un barrage contre l’extrême droite. Il les a remerciés. « On me confie désormais leur sens du devoir, leur attachement à la République. Et leur respect des différences exprimées ces dernières semaines ».
Quelque 28% des électeurs se sont abstenus. Soit trois points de pourcentage de plus qu’en 2017. Treize millions de personnes ont enfin voté pour Marine Le Pen. Une colère et des désaccords qui devront eux aussi trouver une réponse.