Qui connait la collectivité européenne d’Alsace, à part les alsaciens ? Quasiment personne ! Et pourtant, elle existe et vient même de voter son premier budget. Et, avec un peu plus de 2 milliards d’euros, il pèse déjà lourd. Mais à quoi donc va servir cet argent. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau par rapport à ce qui existait avant ? Est-ce que c’est ce que veulent les alsaciens ? Autant de questions sur lesquelles il n’est pas inutile de faire le point.
La CEA : qu’est-ce que ça change ?
La Collectivité Européenne d’Alsace a été créée par une loi votée le 2 août 2019. Celle-ci est entrée en application le 1er janvier 2021. Elle fait suite à la création de la région Grand Est le 16 janvier 2015 et à la volonté des élus alsaciens de retrouver l’ancienne région alsace par le biais d’une fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut Rhin. A ce titre, elle correspond à une nouvelle subdivision administrative intégrée dans la région Grand Est.
Apparemment, hors mis la nouvelle dénomination et la fusion des deux départements, les compétences recoupent largement celles des anciens départements. Sauf que cette nouvelle dénomination a fait l’objet d’un avis négatif du Conseil d’Etat et que, dans le détail, certaines compétences comme la gestion des relations transfrontalières écartent la supervision de l’Etat français. De même, une partie des ressources de la CEA proviendront directement de l’Union Européenne.
Concrètement, dans l’immédiat, les routes alsaciennes vont changer de numérotation et les plaques d’immatriculation vont désormais arborer le drapeau européen à côté du pictogramme représentant un bretzel pour symboliser l’Alsace.
A quoi va servir le premier budget de la Collectivité Européenne d’Alsace ?
La moitié des 2 milliards va servir à financer des dépenses de santé. On retrouve une des vocations traditionnelles des départements. A côté de ce gros pôle de dépenses, trois autres pôles, beaucoup moins importants méritent l’attention. Ils correspondent aux dépenses consacrées à la jeunesse, aux routes et au marketing territorial. A noter qu’avec la question des déchets de la stocamine, ce dernier pôle peut s’avérer déterminant.
De ce point de vue, il parait évident que si les nouveaux conseillers sont heureux de voir se reconstituer en quelque sorte la région Alsace, ils vont aussi avoir à gérer son imbrication dans une perspective européenne.
C’est à nous de faire ce que j’appelle la preuve par le budget de la qualité et de la pertinence de nos politiques publiques.
Certes le Président Frédéric Bierry s’est largement étendu lors de son discours de présentation budgétaire sur les bienfaits d’une gestion à l’alsacienne, mais il n’en reste pas moins qu’une partie des 15 millions d’euros consacrés à la jeunesse et des autres 15 millions réservés au tourisme et à l’Europe vont être appelés à soutenir des initiatives et des projets conformes à l’orientation européenne de la nouvelle collectivité.
A cet égards, les appels lancés, d’ores et déjà, pour inscrire les jeunes enfants dès la petite section dans des maternelles bilingues en constituent un premier signe.
Est-ce que cette nouvelle structure administrative plait aux habitants de l’Alsace ?
Pas vraiment. Ils n’ont déjà guère apprécié la disparition de leur région au profit de la région Grand Est. Cette dernière a toujours du mal à trouver son centre de gravité. Faut-il le placer à Strasbourg ? Metz ? Nancy ? Reims ou Chalons ?
D’autant que les discours reposant sur la nécessité d’avoir de grandes régions ont fait long feu. De petites régions comme la Sarre ou le Val d’Aoste s’en sortent, en effet, très bien.
Pas plus qu’ils n’ont voulu la fusion des deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Un référendum a été organisé sur cette question en 2013. Le résultat a été sans appel. Le Non l’a emporté.
Pour passer outre à la volonté des alsaciens, il a fallu faire voter la fusion par l’Assemblée nationale. Et tant qu’à faire, créer, au passage, la CEA.
Ces réticences s’expliquent par le souvenir d’une histoire encore largement présente dans les mémoires des alsaciens. Au cours des trois derniers siècles, l’Alsace a été deux fois allemande et trois fois française.
Il en reste encore des spécificités juridiques propres à l’Alsace comme, par exemple, le régime concordataire ou le régime de sécurité sociale hérité de Bismarck.
Quelles perspectives pour la Collectivité Européenne d’Alsace ?
Aujourd’hui, elle fait partie de la région Grand Est et a permis de redonner une existence administrative à la région Alsace. Certaines voix s’élèvent déjà pour aller plus loin sur cette voie. Notamment, en démantelant une région qui n’a pas vraiment de cohérence historique.
Mais, cette nouvelle collectivité peut aussi ouvrir la voie à une collectivité encore plus grande associant le Palatinat et le Bade Wurtemberg. Prudemment, les élus de la CEA se contentent pour l’instant d’insister sur les économies de gestion que permet d’obtenir la nouvelle collectivité. Objectif, par nature, consensuel.

Né en 1965 à Toulouse, Bernard Duteil est un journaliste reconnu et respecté pour sa rigueur, son analyse pénétrante et son engagement indéfectible pour la vérité. Fils d'une enseignante et d'un avocat, il a grandi dans une atmosphère où l'importance de l'éducation, de l'éthique et de la justice étaient profondément enracinées.
Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences humaines, il est entré à l'Université de Toulouse Jean Jaurès où il a obtenu une licence en communication et journalisme. A la fin de ses études, Bernard s'est lancé dans un voyage autour du monde qui a duré un an, nourrissant sa curiosité insatiable et forgeant sa perspective globale.
Bernard a fait ses débuts journalistiques au "Nouvel Observateur", où il s'est rapidement distingué par son style d'écriture incisif et sa capacité à explorer en profondeur des sujets complexes. Par la suite, il a travaillé pour "Le Monde", où il a couvert des sujets allant de la politique internationale à la culture, avant de rejoindre "France Info" puis se dédier à l'écriture de pige pour plusieurs rédactions dont NewsFrance.org